Elles résident à Strasbourg depuis une quinzaine d’années, après avoir bourlingué. Elles se sentent bien dans cette ville alsacienne où Oksa Pollock, une adolescente dotée de pouvoirs surnaturels, est née en 2007. Le premier tome, intitulé L’Inespérée, a été envoyé à Gallimard qui l’a refusé. Le livre a été auto édité. Grâce au fan club de cette petite héroïne, et au pouvoir rassembleur d’Internet, la série est désormais éditée par XO éditions, depuis 2010. L’aventure se poursuit avec La forêt des égarés et la parution du 3e tome, intitulé Le cœur des deux mondes. Le succès mérité de cette saga, traduite dans de nombreux pays, a attiré l’attention des producteurs de Twilight. Oksa sera porté au cinéma. Cette petite sorcière a bien des charmes. Attention, envoûtement !
Cendrine Wolf C’est le dessin qui m’a amenée à l’écriture. J’ai la tête pleine d’idées que je visualise comme une BD sans bulles. Naturellement, j’ai toujours croqué des petits dessins. Dessiner, c’est savoir regarder. Quand on a une image en tête, c’est facile de le reproduire. Au début, avec Anne, nous avions envisagé Oksa sous forme de BD mais le roman s’est imposé car l’histoire devait trouver son espace pour se développer. Nous écrivons après de longues séances de discussions. L’histoire se construit sur l’oralisation puis Anne écrit et nous relisons et peaufinons le texte. Comme en peinture, nous procédons par petites touches.
Anne Plichota Et nous jouons les personnages, un peu comme au théâtre. Nous avons nos petits préférés, Cendrine étant d’un caractère plus entreprenant que moi qui suis plus introvertie. Les aventures d’Oksa vont se dérouler sur 6 tomes, jusqu’à ce qu’Oksa atteigne l’âge adulte. Nous avons établi un story-board. Tous les personnages ont été définis, avec leur biographie, leurs particularités etc. Le fil conducteur a été établi dès le départ.
C. W. Ce qui n’empêche pas les imprévus ! Les personnages prennent de l’ampleur, et parfois s’imposent, et nous surprennent car ils connaissent une évolution naturelle qui n’avait pas été envisagée au départ. Ils ont pris corps à l’intérieur d’un cadre précis mais ils peuvent emprunter des chemins de traverse. C’est une question de point de vue et les personnages ont des choix à faire. Nous sommes les premières surprises des tours qu’ils peuvent nous jouer et les premières lectrices de notre histoire.
A. P. Nous avons choisi la ville de Londres comme décor et espace de notre histoire car Cendrine et moi sommes fans de cette ville qui est à la fois proche de nous et si étrangère. C’est une ville qui se prête au fantastique et à l’imaginaire. Dès le premier tome, Oksa et ses parents quittent Paris pour Londres. Le thème de l’exil est au cœur du livre.
C. W. Et le thème des origines… Me concernant, je suis d’origine pied-noir et Anne est d’origine ukrainienne, avec ce côté très russe, ce sens de la tragédie et de l’autodérision. La culture familiale fait partie de notre histoire. On ne peut pas se débarrasser de nos origines, on en porte le poids et elles nous modèlent de façon inconsciente. Oksa Pollock est nourri d’anecdotes familiales et de références à des épisodes clefs de l’Histoire qui offrent des repères réalistes dans ce roman fantastique. La magie est accessoire. Les personnages des Sauve-Qui-Peut évoquent ceux qui ont dû quitter leur pays. Ils sont en exil avec la nostalgie et le désir de revenir un jour chez eux, dans le pays d’Edéfia. Cependant, ils font tout pour s’intégrer dans le pays d’accueil mais c’est tellement douloureux pour eux !
A. P. La question est posée de ce que l’on est réellement par rapport à une réalité qui peut être étouffante. Comment trouver une conciliation possible ? C’est en ce sens qu’Oksa Pollock se démarque de Harry Potter. De plus, la jeune Oksa, contrairement à Harry, doit cacher ses pouvoirs. Enfin, Oksa n’est pas orpheline. Elle a des parents et une famille très présente. Peu de héros, dans la littérature fantastique, sont entourés. Dragomira, la grand-mère d’Oksa a un rôle majeur. Oksa n’est pas libre. Elle entraîne toute sa famille. Ses actes ne sont pas sans conséquences. Nous avons aussi voulu poser la question de l’adolescence. Nous insistons sur les faiblesses et le côté imparfait de ces personnages qui ont certes des pouvoirs mais ces pouvoirs ont moins d’effet que la force de l’union de leurs faiblesses. D’ailleurs, Gus, le meilleur ami d’Oksa n’est pas doué de pouvoirs magiques. Nos personnages sont humains avant d’être des magiciens. Notre credo est « qu’ensemble, on est toujours plus fort que tout seul ». Notre propre aventure d’auteurs en est la preuve. Sans nos lecteurs, Oksa ne connaîtrait pas un tel destin.