Impertinent, tout en parlant de sujets sérieux, plein d’humour, ce film fait l’effet d’une bouffée d’air frais. Dans un contexte politique et social plombé, voici un film salutaire qui engage à la réflexion.
Judith Davis vient du théâtre et a co-créé sa propre compagnie : le collectif « L’Avantage du doute ». Premier long métrage, ce film est né du désir d’en dire plus que dans leur spectacle donné au théâtre de la Bastille, intitulé « Tout ce qui nous reste de la Révolution, c’est Simon ». Ce sont deux projets différents mais le projet est commun, la plupart des comédiens sont les mêmes, et l’humour est présent. Comme elle le dit : « Rire de ce qui nous arrive fait du bien, nous fédère. Rire ensemble c’est déjà le début de quelque chose. » C’est aussi un geste politique.
Elle est tombée dans la marmite du militantisme quand elle était petite, au sein d’une famille très engagée. Baignée dans les souvenirs et dans la culture héritée des riches heures de mai 68, Angèle que joue Judith Davis, rage d’être née trop tard et de voir ses proches retourner leur veste. Quant à sa mère, elle est une énigme pour elle, ayant abandonné la lutte et sa famille pour aller vivre à la campagne. Angèle brasse beaucoup, stimule les énergies, anime des tables rondes de réflexion, vient déstabiliser un jeune banquier aux dents longues qui s’avère être à découvert. La plupart des banquiers le sont ! Quant au leader des Sex Pistols, sait-on qu’il a fait de la publicité pour de la margarine ? La déception est rude pour les fans ! Sur le ton de la comédie, le souci de Judith Davis est de ne pas ouvrir de porte ouverte et de convaincre un maximum de spectateurs de se poser des questions. Donner des solutions ou des réponses à ceux qui seraient acquis à sa cause n’aurait pas d’intérêt. L’astuce du film est d’amener le spectateur à s’interroger. Que lui tient-il le plus à cœur ? Que voudrait-il défendre à tout prix ? Judith Davis suggère mais n’assène pas. Dans un moment marquant, filmé en « temps réel », le beau-frère d’Angèle joué par Nadir Legrand donne des conseils en management et c’est la folie qui le guette. Il finit en furie et en larmes, témoignant d’une souffrance qu’aucun discours ne saurait mieux dire.
Le film glisse insensiblement du politique à l’individuel et questionne la difficulté à s’engager en amour pour qui a été conditionné à l’idée que le couple et la famille incarnent des valeurs bourgeoises. Face à un Malik Zidi amoureux, toujours parfait et qui fait regretter de le voir trop peu au cinéma, Angèle va découvrir la fantaisie, la légèreté et le lâcher prise.
Audacieuse et combative, Judith Davis impressionne et poursuit sa route avec son collectif, au théâtre de l’Atelier à Paris, dans La légende de Bornéo, à partir du 19 mars ; une pièce sur la souffrance au travail. Elle sera à Avignon cet été … et bien sûr elle a également un projet de film sur le feu.