Critiques de films

Affiche du film Edmond
Affiche
Edmond
un film d’Alexis Michalik

Le temps qui passe a le fâcheux défaut de renforcer la notoriété d’un auteur en même temps qu’il le couvre de poussière et d’un sérieux intimidant. Intitulé du seul prénom Edmond, ce film évoque avec familiarité le grand Rostand, donne un coup de fouet à son image et lui rend sa jeunesse. Il n’avait que 29 ans lorsqu’il écrivit la pièce qui le rendit célèbre : Cyrano de Bergerac. Alors qu’Edmond Rostand a tiré sa révérence il y a cent ans, ce film le ressuscite.

Alexis Michalik est un surdoué, très jeune également. Acteur et metteur en scène de théâtre, auteur, il s’est vu récompensé en 2014 pour ses deux pièces, Le porteur d’histoire et Le cercle des illusionnistes. Touche à tout, il a aussi fait de nombreuses apparitions au cinéma et à la télévision où jouer dans une série n’est plus du tout mal perçu par la profession. Amoureux du cinéma, il a réalisé deux courts métrages remarqués. Avec Edmond, il s’impose comme un réalisateur à la belle maîtrise. Cela faisait 15 ans qu’il portait ce projet après avoir vu Shakespeare in Love de Jœ Madden qui donnait corps et vie à Shakespeare. Il y a six ans, le scénario était écrit. Cependant, difficile de trouver des financements. Assistant à Londres à l’adaptation théâtrale du film de Madden, le déclic se fait. À défaut de faire un film, Alexis Michalik mettra en scène Edmond. Dans la publication des nommés aux Molières 2017, Edmond l’est à 7 reprises et raflera le Molière de l’auteur francophone vivant et le Molière du metteur en scène d’un spectacle de théâtre privé. La pièce est actuellement jouée à guichet fermé et tourne à travers la France. C’est pourquoi la distribution des rôles pour le film s’est faite avec d’autres comédiens, notamment avec le grand Olivier Gourmet en Constant Coquelin, le comédien qui a joué pour la première fois Cyrano sur la scène du Théâtre Saint-Martin, le 28 décembre 1897.

Le film raconte comment s’est écrite la pièce jusqu’à cette représentation, cette première théâtrale où il y eut quarante rappels. Du jamais vu ! Edmond Rostand était un jeune auteur inconnu à une époque où Feydeau et Courteline étaient courtisés dans le milieu culturel parisien pour leurs succès, ainsi que Sarah Bernard pour qui Cocteau a inventé l’expression « monstre sacré ». Alexis Michalik fait revivre avec talent ce Paris de la Belle Époque qui avait besoin de rire après la défaite de 1870 mais dont les rires vont s’étrangler avec la guerre de 14-18 puis avec l’épidémie de grippe espagnole à laquelle Edmond Rostand succombera à 50 ans.

Avec une distribution de jeunes talents, le film de Michalik est rafraichissant. Etonnant Thomas Solivérès qui joue Edmond Rostand, farfadet cherchant l’inspiration dans les bars et puisant l’inspiration de l’amour qui se joue dans Cyrano dans une mise en abyme de son échange épistolaire avec Jeanne (Lucie Boujenah), la costumière de la pièce dont son meilleur ami Christian (Tom Leeb) est amoureux. Il y a un côté jubilatoire à voir comment la pièce se construit. Par le sens du rythme, par l’énergie qui s’en dégage, le film est porté par la musique d’Offenbach, ne ménage pas de temps mort et rend grâce à la jeunesse d’Edmond Rostand, à l’entrain, à la cocasserie mêlée de poésie et de drame de Cyrano. Le film d’Alexis Michalik est une déclaration d’amour au théâtre, à ses interprètes, à ses illusions : « Je voulais qu’on se rende compte qu’au XIXe siècle, on accueillait les nouvelles pièces comme aujourd’hui les superproductions. Quand Cyrano déboula sur scène en 1897, il provoqua le même genre d’excitation que Games of Thrones en 2011. » Edmond fait mouche et touche !

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