Porté par des acteurs non professionnels, son film Party Girl, nous avait conquis par son énergie et par son traitement sans fards des émotions. Ici, le seul personnage qui soit joué par un comédien est celui de Bouli Lanners, nounours très attachant. En tournant de nouveau à Forbach où elle a grandi, Claire Burger met en scène ses habitants et fait un état des lieux sensible d’un territoire déserté.
Mario est quitté par sa femme, lui laissant à charge deux filles de 14 et 17 ans. Ce qui doit être une pause pour le couple va durer. Point de retour possible, le divorce sera consommé ! Cette situation banale souvent traitée du côté des femmes, est interrogée par la réalisatrice en s’intéressant à la figure masculine et précisément à son propre père. Elle-même enfant de parents divorcés, elle a voulu en explorer les dommages collatéraux, précisément sur ce « champ de bataille où les personnages, sous pression constante, en proie aux rapports passionnels et aux émotions à fleur de peau se font parfois la guerre avec violence ». Mario n’est pas le seul à batailler, ses filles adolescentes rencontrent les premières affres de l’amour. Comment ce père auquel incombe la seule responsabilité de ses filles peut-il admettre par exemple que sa cadette de 14 ans dorme dans le même lit que son premier flirt qui est a fortiori une amoureuse ? Frida lui tient tête comme Niki, l’aînée. Sa femme ne cède pas malgré les stratagèmes. Les femmes sont fortes et Claire Burger dénonce les clichés. Elle parle d’une époque où elle-même, adolescente, s’est construite grâce à une mère dont le départ lui a appris l’autonomie et à un père féministe. Aucun personnage n’est jugé. Chacun fait ce qu’il peut mais l’amour circule et l’humour souvent est au rendez-vous avec ce père si maladroit qu’il en est touchant ou comique, improvisant des situations saugrenues pour désamorcer le drame.
Émouvant, Mario s’est inscrit à un atelier de théâtre où sa femme est éclairagiste, comme pour maintenir un lien. Les protagonistes de la pièce intitulée Atlas sont les habitants de Forbach, chacun disant une phrase qui le raconte et qui sera répétée par les autres participants. L’intime débouche sur le collectif, le film est porté par cette pièce qui fonctionne comme une mise en abyme. La phrase que prononce Mario change à mesure de la construction de la pièce et de sa reconstruction comme individu dont l’identité évolue de père et d’époux, en homme devenu indépendant de sa femme. Magnifique personnage que Mario, incarné avec justesse et sensibilité par Bouli Lanners, figure paternelle généreuse et attentive qui saura apprendre à ses filles comment éteindre un feu … une métaphore concrète qui embrase le film en un bouquet final.