Elle écrit depuis l’âge de 17 ans (Jusqu’à ce que la mort nous sépare), enchaînant les succès qui l’ont propulsée au rang des auteurs de thriller les plus populaires. Elle est présentée comme la « Mary Higgins Clark moderne ». Bien de son temps, soucieuse des détails et menant en amont de ses romans des recherches approfondies auprès d’experts, ses enquêtes sont très documentées tandis qu’elle fait la part belle au romanesque pour le plus grand plaisir des lecteurs.
Lisa Gardner sait donner une épaisseur à ses personnages qui ne sont pas que des faire valoir des rouages et des rebondissements de l’intrigue. Le Saut de l’Ange nous entraîne dans une histoire où l’enquête policière, avec ses nouvelles technologies qui lui permettent d’avancer, se combine avec le conte de fées. Il est question, par exemple, des possibilités qu’offre l’impression 3D au service du crime, tandis que le roman est hanté par des fantômes, des petites princesses prisonnières dans une tour, une vilaine sorcière du nom de Mme Sade et des buissons de roses sanguinolents… et l’on se croirait dans un roman gothique ! Lisa Gardner est fan de Daphné du Maurier et de Stephen King.
Son roman progresse sur différents points de vue qui lui donnent un côté schizophrène. Déroutant, perturbant, le suspens est habilement ménagé pour tenter de comprendre ce qui est arrivé à Nicky, une jeune femme qui a échappé à un accident de voiture dans lequel Véro a disparu, sa fille d’une dizaine d’années. Or, quelques pages plus loin, Thomas, le mari de Nicky, affirme qu’ils n’ont pas d’enfant. Nicky se souvient… à moins qu’elle n’affabule ? Souvenirs ou schizophrénie ? Pourquoi Véro répète-t-elle à Nicky qu’elle est un avion ? Qu’elle vole ?
Lisa Gardner est partie d’un fait de société qui l’a interpellée. Aux USA, des procès ont fait la une, à la suite de suicides, notamment de joueurs de baseball célèbres qui ont perdu la raison après les blessures répétées à la tête qu’ils ont endurées durant leur carrière. En lisant le compte rendu de ce fait réel, la romancière a été frappée par le témoignage de l’un de ces sportifs qui disait être devenu « étranger à lui-même » et ne plus savoir à qui se fier. « J’ai alors inventé ce personnage féminin : a-t-elle vraiment perdu son enfant ? Ou est-ce que les blessures crâniennes parlent à sa place ? Et si vous étiez l’inspecteur de police chargé de l’affaire, comment pourriez-vous savoir où se trouve la vérité ? » C’est le tour de force du roman. Alors que le lecteur a accès aux pensées de Nicky, il n’accède pas plus à la clef de l’énigme que Wyatt, chargé de l’enquête. Régulièrement, dans le roman, des explications sont données pour être ensuite mises en doute.
Lisa Gardner explore les méandres du cerveau de son personnage, sur la piste de son trauma. Le roman progresse à la façon d’un puzzle où il est question de kidnapping de petites filles, de vente d’enfants à des fins sexuelles et d’un petit chevalier héroïque qui grandira. Jusqu’où ira-t-il par amour pour sa belle ? Lisa Gardner est la première lectrice de ses romans dit-elle. Elle aime se laisser surprendre par ses personnages. Elle aime aussi le travail d’investigation qui nourrit son enquête. À la fin du roman, comme souvent chez les auteurs anglo-saxons, elle remercie les consultants qui l’ont renseignée. Ce mélange entre une histoire qui flirte avec le fantastique et une enquête rigoureusement documentée fait du Saut de l’Ange un roman autant passionnant qu’haletant.