Mort d’un silence a fait connaître Clémence Boulouque, écrivain, journaliste et critique littéraire. Ce livre a été adapté pour le cinéma par William Karel, en 2005, sous le titre La fille du juge ; un film atypique, poétique par le texte et la voix off d’Elsa Zylberstein et sombre par son côté documentaire. Son dernier roman ravive un autre drame qu’elle a connu lorsqu’elle était adolescente, la perte de sa meilleure amie. Contre toute attente, ce récit court est une ode à la vie.
Après Mort d’un silence paru il y a 10 ans, relatant le décès de son père Gilles Boulouque, magistrat impliqué dans l’affaire Gordji qui le conduisit au suicide, et après d’autres parutions, Clémence Boulouque revient et poursuit sa plongée dans ses années de jeunesse. Son drame fut, trois ans après le décès de son père, de perdre Julie, sa meilleure amie. L’incompréhension, le sentiment de culpabilité et d’impuissance sont au cœur de cette introspection qui nous transporte dans les années 90. Quelques belles pages sans lyrisme dressent un panorama de ces années de fin de siècle. La pudeur et la retenue marquent ce livre où il s’agissait de ne pas faire de la disparition de son amie un prétexte romanesque – ne pas faire œuvre de fiction mais poursuivre – comme dans Mort d’un silence – une sorte de réflexion ou de confidence sur la légitimité d’être une survivante. La langue est ciselée et va à l’essentiel.
L’amie de Clémence a sauté dans le vide. Qui aurait pu le prévoir ? L’auteur se demande alors si leur amitié n’était pas née de l’attraction que Clémence a pu exercer sur Julie du fait que son père s’était donné la mort. Terrible doute soudain sur l’authenticité des sentiments, sur le caractère entier de cette amitié de jeunesse qui révèlera ses failles !
Mais l’important n’est pas dans le comment du pourquoi, ni même sur les circonstances de la mort de Julie et de sa trahison ; trahison qui brisa leur amitié, sentiment finalement de ne pas avoir connu celle qu’elle considérait comme sa meilleure amie. L’important est l’existence de ce livre, ce témoignage vibrant de la vie qui triomphe de la mort, l’élan de vie salvateur qui autorise à surmonter les drames. C’est ainsi que la mère de Clémence, en dépression après la mort de son mari, s’est accrochée à la vie pour Clémence qui avait alors besoin d’elle en ayant perdu Julie. Et Clémence est une femme rayonnante aujourd’hui qui sait s’émerveiller d’un rien, comme la petite fille qu’elle était à la mort de son père et l’adolescente qu’elle était à la disparition de Julie. 13 ans et 16 ans : « Ces deux âges, que d’autres ont mieux que moi connus, ont été fracturés par des douleurs précoces. Alors je les reprise, et les allonge, comme je le peux. » Clémence Boulouque vit désormais à New York où elle enseigne, ville qu’elle adore pour la vie qui y déborde et elle-même flambe d’une énergie que lui a donnée la perte de ses chers disparus. Un cadeau qu’elle a su prendre dans son malheur !