De sa patte sensible, le réalisateur de Séraphine signe ici une partition pour deux grandes du cinéma français, deux Catherine réunies pour la première fois à l’écran, Catherine Deneuve et Catherine Frot. Entre gravité et malice, elles explorent une palette riche d’émotions et servent cette histoire qui est un hommage à Yvonne André, la sage-femme qui a sauvé la vie de Martin Provost à sa naissance.
Le film lui est dédié. Il y a deux ans, Martin Provost a appris par sa mère que la sage-femme qui l’avait mis au monde, lui avait donné son propre sang, faute de trouver un donneur au sang compatible et vu l’urgence qu’il y avait à agir. Puis il a appris que cette même sage-femme était elle-même allée le déclarer à la mairie. A travers le personnage de Claire, joué par Catherine Frot, le réalisateur rend hommage à toutes ces femmes qui se dévouent jour et nuit pour mettre au monde des bouts de chou. La part autobiographique est évoquée à l’issue d’un accouchement, pour le reste, elle est un prétexte. Martin Provost s’est intéressé au personnage de Claire pour son dévouement, sa conscience professionnelle à un moment charnière de sa vie, alors que la maternité où elle exerce n’est économiquement plus viable et devra fermer – une réalité malheureusement courante dans l’hexagone où certaines parturientes doivent faire des centaines de kilomètres pour trouver un centre où accoucher. Claire fera-t-elle le choix d’accepter son nouveau poste dans une « usine à bébés », elle qui se souvient du nom de la mère de l’une de ses patientes qu’elle a elle-même mise au monde, plus de vingt ans auparavant ? Les scènes d’accouchement sont réelles. C’était une condition pour faire le film. Il fallait rendre sensible ce travail à la fois très technique et profondément humain de la profession de sage-femme et Catherine Frot est tout à fait crédible dans le rôle.
Mais le film raconte aussi la naissance de Claire à une nouvelle vie, ayant mis trop longtemps la sienne entre parenthèses. La rencontre avec Paul, Olivier Gourmet, en jardinier épicurien, toujours impeccable, va bouleverser son quotidien et le retour dans sa vie de Béatrice, Catherine Deneuve à qui les personnages évaporés, avec un petit grain de folie, vont décidément très bien. C’est en pensant à elle que Martin Provost a écrit le rôle. Béatrice a été la maîtresse du père de Claire et elle fait irruption dans la vie trop rangée de la sage-femme en la bousculant dans tous les sens du terme, lui faisant découvrir la légèreté, elle qui se trouve pourtant confrontée à un drame personnel. Béatrice avec ses bijoux clinquants, ses foulards impression léopard et la fréquentation des cercles de jeu clandestins enfumés, pour se refaire financièrement, est l’exacte opposée de Claire. Pourtant, chacune viendra combler un manque dans la vie de l’autre et le film surfe sur la question de la filiation, de la transmission, de la sagesse de devoir se délivrer du passé, pour accepter l’avenir.