Le titre sonne comme celui d’un blockbuster et devrait attirer des spectateurs nombreux. Stratégie fine et ironique, voulue par le réalisateur américain que les Strasbourgeois ont eu la chance de pouvoir rencontrer à l’UGC où il a présenté son film. Sans doute a-t-il profité d’être au Festival de Deauville pour faire une tournée française. À Deauville, il a obtenu le Prix du public et le Prix du jury. À Cannes, il avait décroché le Prix de la mise en scène dans Un Certain Regard.
Qui a vu en son temps Vie Sauvage de Cédric Kahn sera intéressé par cette version américaine et bien plus solaire. S’il s’agit ici d’une fiction, le réalisateur a cependant lui-même grandi dans des communautés coupées du monde, « au milieu de nulle part, sans télévision ou la plupart des innovations technologiques ». Captain Fantastic explore le thème de la vie dans la nature, en marge de la société de consommation, avec en pater familias un Viggo Mortensen barbu, hirsute, mais au charisme toujours intact. Aux admiratrices et admirateurs, dévoilons qu’il apparaît dans toute sa splendeur dans l’une des scènes. S’il avait refusé le rôle, il n’est pas certain que Matt Ross aurait réalisé le film. Il est bien entouré par une bande de six enfants et adolescents, tout à fait crédibles dans leur immersion au cœur des forêts du Nord-Ouest des États-Unis, ayant subi des entraînements sportifs de haut niveau pour les besoins de leur rôle. Les enfants sont élevés à la dure et le principe éducatif de leurs parents est de les considérer comme des adultes. Loin d’être rustres et sauvages, ils ont une culture et des connaissances supérieures, transmises par leur père et par l’étude d’ouvrages savants dont ceux de Noam Chomsky. Ainsi, l’aîné est-il admis dans les écoles les plus prestigieuses du pays, comme Harvard.
Cependant, si connaître la Constitution américaine par cœur et savoir en commenter les amendements est signe d’intelligence chez une fillette de sept ans, quid des rapports humains et de la gestion des sentiments ? Comment se débrouille un jeune homme qui a vécu loin de tout lorsqu’il est attiré par une jeune fille et qu’il ne maîtrise pas les codes de la séduction ? Ainsi Matt Ross s’interroge-t-il sur la légitimité parentale à être seul vecteur d’éducation. « Ben a renoncé au monde extérieur et à ses ambitions personnelles pour vouer son existence à ses enfants et s’efforcer d’être le meilleur des pères possibles. Se pose alors la question : est-il le meilleur ou le pire père qui soit ? » La fin justifie-t-elle les moyens ? Matt Ross ne juge pas ses personnages. Chacun fait comme il le peut, selon ses convictions, et chacun a raison.
Aussi, la vie de la famille Cash bascule-t-elle lorsque leur mère bipolaire se suicide et qu’il leur faut affronter la civilisation. Ils se rendent chez leurs grands-parents, des notables fortunés dévastés par le chagrin d’avoir perdu leur fille Leslie, et qui en veulent à Ben de l’avoir entraînée dans cette vie de marginaux. Lorsqu’en plus, il voudra exaucer les dernières volontés de sa femme et mère de ses enfants, le film connaît un tournant alliant le drame à l’aventure et à la pure comédie. Un tour de force !