Critiques de films

Image du film Samba
Samba : Photo Omar Sy, Tahar Rahim
© Gaumont Distribution
Samba
Un film de Éric Tolédano et Olivier Nakache

Après le succès d’Intouchables, la pression était grande pour ce duo de réalisateurs très doués. Cependant, forts de la liberté et des facilités qu’ils ont gagnées en retour, ils nous offrent Samba, trois ans après, et prouvent encore qu’il est possible de traiter un sujet grave en alliant intelligence des dialogues qui font mouche, humour et légèreté.

Omar Sy est de l’aventure, leur comédien fétiche depuis Nos jours heureux. Jeu sobre et intériorisé, il incarne un sans papiers sénégalais qui va être pris sous l’aile d’Alice qu’un « burn-out » a conduit à travailler dans une association d’aide aux étrangers. Mais Alice, jouée par Charlotte Gainsbourg, est elle-même en détresse et elle aurait bien besoin d’un nounours gentil et fort pour la réconforter. Comme dans Intouchables, il s’agissait de faire se rencontrer deux personnages que tout oppose et que rien ne prédisposait à se croiser. En revanche, les aficionados d’Omar Sy ne doivent pas s’attendre à ce qu’il fasse le pitre. Le personnage solaire de Samba est joué ici par un Tahar Rahim étonnant, loin des figures tragiques dans lesquelles il excellait jusqu’à présent. Éric Tolédano et Olivier Nakache ont mesuré tout le potentiel de son charme. Du nom de Wilson, soi-disant brésilien, il entraîne avec lui Samba comme laveurs de carreaux. Une scène parodique d’une célèbre pub va assurément faire le buzz. Suspendus sur un échafaudage à l’extérieur d’une tour de la Défense, Wilson danse, torse nu, face à des employées de bureau derrière la vitre, absolument conquises. Tahar Rahim se dévoile franchement hilarant et le film ménage son suspens car son personnage arrive assez tardivement. Rencontre choc et épidermique aussi avec Izïa Higelin qui, décidément, imprime très bien la pellicule de sa belle énergie et de sa gouaille.

Mais Samba est aussi un film sur la dure réalité des sans papiers en France et les deux réalisateurs ont nourri leur film de leurs visites dans des centres de rétention et auprès d’associations d’aide aux migrants. Le scénario s’est construit sur le livre Samba pour la France de Delphine Coulin qui a été bénévole à la Cimade. La réussite de Samba tient à cet aspect très documenté qui en est l’étoffe même, sans être un film à charge, cependant que l’on suit Samba dans ses galères. D’aucuns profitent de la situation de ces sans papiers comme des sociétés de gardiennage qui les emploient la nuit comme gardiens de sécurité, les entreprises du bâtiment ou encore les faussaires qui les font payer à prix d’or des fausses cartes d’identité ou bien des cartes volées, et Samba devra se faire passer pour un autre homme et se laisser pousser la moustache car, sans papiers, impossible de trouver un travail. La question de l’identité est l’un des thèmes forts, traité dans Samba. Aussi, vaut-il mieux qu’il se promène dans le métro avec un costume et un attaché-case et il vaut mieux pour Wilson dire qu’il est brésilien plutôt qu’algérien. Il y a donc des sans-papiers mieux lotis que d’autres.

Omar Sy a réalisé un travail d’interprétation remarquable en jouant sur une démarche particulière de qui ploie sous un fardeau et sur l’accent africain. Acteur de « réaction » comme le qualifient les réalisateurs, il s’adapte à ses partenaires de jeu et la présence de rôles secondaires incarnés par des Africains (l’oncle sénégalais, le personnage de Jonas interprété par un acteur burkinais impressionnant de justesse) servent encore le souci de réalisme. Après avoir vu Samba, difficile de croiser dans nos villes, d’un œil indifférent, ces hommes tristes qui travaillent sur les chantiers et de ne pas imaginer leur parcours. Comme l’a déclaré Éric Tolédano : « Quand je regarde la télévision et que je vois ces hommes qui essaient de passer à Lampedusa, je me pose toujours la question : “Dans quel état psychique est-on pour prendre le risque de mourir afin de trouver un job ?” Cela nous interroge et c’est un problème qu’on ne peut éviter aujourd’hui. L’Italie, l’Angleterre, Calais… C’est le village mondial, c’est la mondialisation, c’est l’Histoire qui s’écrit. »

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