Benoit Jacquot s’est inspiré d’une histoire qui a défrayé la chronique, au XIXe siècle et signe un film très fort, magistralement interprété par sa comédienne fétiche, Isild le Besco au côté d’un jeune acteur étonnant, Nahuel Perez Biscayart. Au fond des bois parle de liberté, d’attraction pour l’absolu dans la relation à l’Autre, de la part d’animalité en l’homme et de Foi. Lorsque Timothée, sorte d’enfant sauvage meurtri par la vie, grandi loin de toute affection, croise le regard de Joséphine qui s’apprête à entrer dans une église pour prier, c’est le coup de foudre. Si Joséphine prie et croit en Dieu, elle peut tout aussi bien croire dans le Diable. Car il y a bien une part démoniaque en Timothée le boiteux, capable de tours de magie et doué d’un tel magnétisme qu’il obtiendra de Joséphine une obéissance totale comme d’une marionnette.
La jeune femme pieuse et sage va quitter sa famille pour suivre Timothée sur les routes de cette France du XIXe siècle où chaque région parle encore son patois et où règne une pauvreté paysanne. Timothée, lui-même, parle une drôle de langue qui ajoute à son étrangeté. Fantasque, rêveuse, somnambule, Joséphine était la proie rêvée du jeune homme mais lorsque l’amour s’en mêle, les sentiments s’emparent de Timothée. Le baiser que Joséphine lui donnera lors d’une fête villageoise signe la rédemption du jeune homme. Amoureux, c’est lui qui est désormais sous l’emprise bienveillante de Joséphine qui retournera dans le monde des hommes et de la raison, sujet à interrogatoire : « A-t-elle suivi volontairement, ou non, Timothée ? » Soit la jeune femme n’était pas si vertueuse, soit, elle avait été abusée. Auquel cas, c’était admettre le pouvoir magnétique du jeune homme : « Mais ceci impliquait de reconnaître le pouvoir réel de l’hypnose sur la volonté d’autrui, ce qu’aucun juge n’avait fait jusque là. » (extrait de l’article de Marcela Iacub in Libération, mardi 12 avril 2005)
On appréciera le choix du comédien qui n’est pas connu des spectateurs français mais qui poursuit une belle carrière en Argentine. Il campe ce personnage mi-homme mi-démon aux côtés d’une Isild Le Besco à la partition infiniment difficile, dont les transes ne devaient jamais paraître grotesques. Toujours sur la corde raide, elle est l’incarnation parfaite de l’ambivalence de ce personnage, innocent et possédé, croyant dans le lien amoureux comme on croit en Dieu. Bel animal se lavant aux sources des bois, madone en robe blanche sur fonds de ciel bleu dans la pure tradition de l’imagerie biblique, sorcière en robe rouge dans le tribunal, Vierge à l’enfant, femme mariée en noire, portant le deuil de sa liberté, Isild Le Besco/Joséphine est parfaite dans son rôle. Décidément, Benoit Jacquot aime les beaux personnages de femmes et ses actrices le lui rendent bien !