Connue pour ses comédies douces amères comme Trois hommes et un couffin, La Crise ou Saint-Jacques… La Mecque, Coline Serreau est aussi une militante. Dès 1976, elle avait réalisé un documentaire sur les femmes : Mais qu’est-ce qu’elles veulent ?, et elle n’a eu de cesse d’alterner des films de fiction avec des productions engagées. Ses combats contre les mines antipersonnel (1996) ou les violences conjugales (2006) se conjuguent avec ceux en faveur de l’environnement et d’un monde plus juste. La Belle Verte amorçait, sur le mode d’une comédie poétique, sa réflexion sur l’écologie. Plus radical et alarmiste, Solutions locales pour un désordre global fait la preuve qu’il est temps désormais d’agir.
Coline Serreau nous propose un tour du monde sur les méfaits de l’agriculture intensive à travers les témoignages d’agriculteurs, d’ingénieurs agronomes, de chercheurs, de microbiologistes, de docteurs en environnement. De France en Inde jusqu’au Brésil, en Ukraine et dans la banlieue de Casablanca, un même constat : la terre se meurt faute d’une exploitation cohérente qui est au service de l’économie et au détriment de l’environnement et de l’homme. Le film s’ouvre sur des images d’archives de la guerre de 14-18 et dénonce le problème de la gestion du surplus d’armes qui serait à l’origine du bouleversement de l’agriculture traditionnelle. Chaque intervenant pointe ensuite les aberrations de la politique agraire visant le profit des industries chimiques et pétrolières qui polluent la terre et dont les produits se retrouvent dans notre assiette puis dans notre corps. Comme le dit Pierre Rabhi, l’un des pionniers de l’agriculture écologique en France : « Il ne faut plus dire – Bon appétit ! – désormais, il faut dire – Bonne chance ! – lorsque l’on se met à table ».
Ce film fait froid dans le dos car au-delà de l’agriculture, c’est de toute une logique politique et sociale dont il s’agit. Selon Coline Serreau : « De toute urgence, il faut stopper cette production mortifère qui ne profite qu’à quelques-uns et met en danger notre sécurité alimentaire, réparer les terres, remettre debout une agriculture gratuite, saine et durable, qui redonne du travail à des millions de gens. C’est faisable, la population doit l’exiger, les politiques doivent voter les lois qui le permettent. » Le propos est plus que nécessaire et d’utilité publique. Il faut favoriser la biodiversité, le retour à une agriculture de proximité et l’utilisation de semences locales. Cependant, il faut craindre que ce film ne prêche que des convaincus et que la forme de ce documentaire qui dure deux heures rebute plus d’un spectateur. Sans recherche formelle particulière, le film progresse de manière systématique sur les interventions des différents spécialistes du sujet. Tous n’ont pas la même capacité à intéresser le spectateur. Tous n’ont pas le charisme de Claude Bourguignon dont la bonhomie, l’intérêt du propos et l’art de l’éloquence en font un acteur de premier choix, alliant franc parler et pédagogie. Grâce à lui, on ne se promènera plus dans les campagnes sans repérer la qualité de la terre. On sait désormais qu’il faut qu’elle soit friable et ressembler à du couscous et non pas faire de grosses mottes compactes. On sait que la terre doit sentir bon, c’est un gage de bonne santé. Il ne faut pas qu’elle soit labourée en profondeur comme on violerait une femme.
Car le propos de Coline Serreau est aussi de défendre la cause des femmes. Depuis que les femmes n’ont plus en charge la culture de la terre, la terre n’est plus fertile. Vandana Shiva nous le rappelle, elle qui vit en Inde où l’on tue les petites filles ! Si le propos est légitime, on regrette toutefois que Coline Serreau nous l’assène trop souvent. De même, un discours paranoïaque est répété, voulant que cette politique agraire soit délibérément développée pour éliminer les pauvres car il y a trop de pauvres sur terre. Proféré de façon abrupte et péremptoire, le discours passe mal. On voudrait entendre que l’agriculture biologique peut nourrir la population mondiale à moindre coût. Pour l’heure, les marchés bio ne sont fréquentés que par des bobos. Il faut malheureusement avoir les moyens pour bien s’alimenter ! Reste que les intervenants de ce film sont assez confiants. Pour Devinder Sharma : « Je suis plein d’espoir, la conscience est en train de naître graduellement dans la société. De plus en plus de gens deviennent conscients. Et je pense que là est la réponse. »