« Le plus dur, lorsqu’un proche disparaît, c’est l’absence… » L’absence est au cœur des livres d’Olivier Adam qui traite ce thème à travers des points de vue différents… variation qui met en jeu la question viscérale de la survie lorsque l’on perd un être cher. La clef de l’univers que décline Olivier Adam se trouve dans Falaises (2004), le livre le plus proche des Vents contraires.
Mais qu’est-il arrivé à Sarah, la mère de Clément et de Manon qui a disparu ? S’il y a un suspens dans ce roman, il joue moins sur une enquête policière que sur la survie sans l’autre, l’aimée qui n’est plus là. Paul Anderen déménage à Saint-Malo, dans la ville de son enfance avec ses deux petits bouts de chou. Leur maman leur manque et le papa fait ce qu’il peut pour leur rendre la vie viable. Lui-même, moniteur d’auto-école dans l’entreprise de son frère croise des personnages désemparés et chacun trouve des petits arrangements avec la vie pour tenir debout. Mais résumer ce livre n’en dit rien. Le réduire à son histoire en ferait une œuvre somme toute banale. S’il faut d’urgence lire Olivier Adam pour qui ne connaît pas ses romans c’est parce qu’il a un style incomparable. Au regard de la production littéraire contemporaine, l’écriture d’Olivier Adam est originale. S’il fallait une référence, elle s’inscrirait dans la lignée du romantisme, avec cette manière d’exalter les émotions dans un univers qui en est le miroir. Mais le pathos n’est pas à l’œuvre ici. Tout le talent d’Olivier Adam est d’avoir trouvé la distance juste.
Le point de vue des Vents contraires est absolument subjectif et l’espace, le décor, la temporalité raisonnent en échos… Le rythme-même de la phrase, avec ses ruptures, ses absences de virgule, là où l’académisme l’exigerait, ouvre sur le ressenti du personnage. Le maître mot qui régit la démarche d’Olivier Adam est l’émotion. Cette émotion que l’auteur dit vouloir éprouver lorsqu’il écrit, ressentant le contact de la pluie sur son corps, les bourrasques de vent ou les larmes sur sa main. Les adjectifs se choquent, s’entre choquent pour dire l’amour et la peine. Les mots se bousculent comme si la langue française et les phrases étaient incapable de contenir cette émotion qui déborde et à laquelle renvoient le ciel, les maisons où l’on habite et qui sont comme une extension de son propre corps, et l’espace de la côte normande où les vagues se fracassent sur les rochers. Si l’on voulait imaginer que l’univers d’Adam fût filmé, ce serait Breaking the Waves de Lars von Trier qui en serait proche. Cependant, c’est Philippe Lioret qui était venu voir Olivier Adam pour adapter Je vais bien ne t’en fais pas et, prochainement, Welcome, du même Lioret, a été coécrit par Olivier Adam d’après son livre À l’abri de rien.
À fleur de peau, Olivier Adam se plait à dire qu’il est une éponge. Il est nourri de littérature américaine avec des maîtres comme Raymond Carver. Il est ancré dans la réalité, réalité sociale qu’il comprend et dont il peut parler avec ces hommes et ces femmes qui s’attellent à s’arranger avec le quotidien. Dans Des vents contraires, le lecteur croise des personnages fragiles marqués par leur rapport au père ou à la mère… En croisant ces différents personnages et en leur donnant beaucoup de tendresse lui-même, le personnage de Paul avance en composant avec son propre drame. Ainsi va Olivier Adam, « sauvé » par l’écriture. Il est heureux pour nous, lecteurs, qu’il n’ait pas choisi de s’allonger sur un divan et que sa manière d’exprimer ses émotions ne se cogne pas sans faire écho aux murs du cabinet d’un psy mais trouve échos dans notre propre cœur.