Un homme et son fils de 13 ans se rendent pour un an sur une île sauvage du Sud de l’Alaska qui n’est accessible que par bateau ou bien hydravion. Le père a la garde alternée de son fils. Vivre seuls sur une île en parfaite autonomie serait une manière de s’apprivoiser et de mieux se connaître. Ce serait une sorte de jeu également, comme des Robinson Crusoé qui devront apprendre à se débrouiller et tout réinventer. Au cœur d’une forêt humide, dans une cabane sans confort, le père et le fils vont devoir organiser leurs journées et leurs nuits peuplées de cauchemar. Peu à peu, le suspens s’installe et le plus faible n’est pas celui que l’on croyait. L’enfant va devoir faire face à la détresse de son père tandis que la nature se fait de plus en plus hostile les rappelant à leur seul instinct de survie… Jusqu’au drame inattendu.
L’auteur connaît bien cette forêt qu’il décrit pour y avoir lui-même passer du temps. Au-delà, il s’agissait de traiter ces paysages comme un miroir reflétant l’intériorité des personnages. Dans ce décor se jouent le manque de communication entre le père et le fils, la difficulté à communiquer alors qu’eux-mêmes vivent dans un parfait isolement.
Il aura fallu dix ans à David Vann pour écrire ce roman. Lorsqu’il était enfant, ses parents ont divorcé mais lorsque son père lui a demandé de venir le rejoindre et d’habiter avec lui sur une île, David a refusé. Puis son père a tragiquement disparu. Puis aux prises avec la culpabilité et le dégoût, il a fallu à l’auteur transcender la réalité. Ce dépassement, il l’a trouvé dans l’écriture et précisément dans le roman : « La fiction peut transformer quelque chose d’infiniment laid en acceptable. » Absolument glaçant et pour le moins passionnant, Sukkwan Island est le premier roman de cet auteur, né en Alaska, et qui a passé le seuil de la porte des grands. Ce roman est écrit dans un style concis, sec, qui va à l’essentiel et qui excelle dans le rendu de cette atmosphère particulièrement oppressante qui règne sur cette île. La description de l’horreur qui se joue est éprouvante et le livre touche le lecteur au cœur car il s’agit d’assister, impuissant, à cette situation abominable qui veut qu’un enfant se débatte, fragile, au près du seul adulte qui pourrait le protéger et qui ne le peut pas ; conte très cruel qui fait appel à l’enfant que nous avons été et qui réveille celui que nous sommes encore. À découvrir absolument !