Dans le Journal secret du Petit Poucet, se mêlent des références à d’autres contes, par petites touches, comme Kirikou, Le Petit Chaperon Rouge ou Blanche-Neige. Contes qui appartiennent à notre enfance ; creuset où puise notre imaginaire et dont il se nourrit. Lorsque Philippe Lechermeier a proposé à Rébecca Dautremer d’en signer les illustrations, elle n’a pas voulu passer par le subterfuge du vrai/faux journal que Poucet aurait pu écrire. Elle a signé des illustrations où se retrouve sa patte avec la délicatesse des traits, le souci des détails, des couleurs délicieuses. Elle a mis un visage sur l’enfant et ses frères, fait un portrait imposant du terrible ogre. Le souci qui sous-tend le Journal est la faim si bien que Poucet et ses frères apprécient tout particulièrement de sucer des petits cailloux blancs et même un bol d’air peut les rassasier. Très jolie association du texte et du graphisme auquel se mêle parfois la photo. Texte et illustrations offrent un éclairage inattendu à ce conte où il s’agit de se débarrasser pour Poucet de sa belle-mère et de trouver à manger. Cette histoire sur la misère a été écrite par Philippe Lechermeier, il y a trois ans déjà, avant la crise, et par petites touches, réfère à une réalité toute contemporaine. S’il y a de la gravité et de la noirceur dans ce livre, il en ressort cependant beaucoup d’humour. Comme déjà dans Princesses oubliées ou inconnues, l’auteur joue avec la langue française et invente des dictons comme ceux liés au saint du jour : « Sainte Héosine, sainte patronne des bobos (avec Saint ôle). Tu as mauvaise mine ? Prie Sainte Héosine ! Tu t’es tordu le col ? Prie Saint ôle ! » ou bien, plus loin, « Sainte Macaroni, une vraie nouille ! ». Très amusante aussi est la liste des soupes que mange Poucet en ces temps de privation… Livre à hauteur d’enfants et à hauteur d’adultes qui apprécieront les jeux de mots et autres jeux littéraires ainsi que des clins d’œil coquins, le texte de Philippe Lechermeier allie poésie et réflexions sans compter des passages « pipi-caca » que les gosses vont assurément adorer. Le Petit Poucet de notre enfance prend un nouveau coup de jeune. Le livre est splendide par son format et par le grain du papier qui en plus a une odeur de papier… Un livre qui a du corps !