Ils ont de 30 à 60 ans et leur couple est en souffrance. Signe des temps, de nombreux films à l’affiche traitent de ce sujet. Jamais il n’y est question d’adultère. Le problème n’est pas celui-là. Et souvent, ce sont les femmes qui prennent la décision de partir. Hormis Un week-end à Paris qui est un film anglais dont le scénario est signé Hanif Kureishi, les autres sont des productions françaises. Films doux amers sur les relations hommes femmes – plus mordant avec Les Gazelles – ces films sont tous magistralement interprétés.
Karin Viard est présente dans Lulu femme nue et dans Week-ends. Dans le premier, réalisé par Sólveig Anspach, elle prend la poudre d’escampette et découvre l’amour dans les bras de Bouli Lanners et dans le second, un film d’Anne Villacèque, son mari la quitte – Jacques Gamblin qui joue sa partition très sobrement, et avec beaucoup de finesse. Karin Viard est magnifique dans ces deux films, composant avec un talent inégalé la femme libre et émerveillée de cette nouvelle vie qui s’offre à elle et la femme en colère, incrédule devant cette séparation que rien ne laissait présager. Beaucoup de spectateurs se retrouveront dans Week-ends, film qui explore avec une grande justesse les rapports de couple mais aussi, la situation fort délicate à laquelle sont confrontés leurs amis communs de toujours (Noémie Lvovsky et Ulrich Tukur) qui ne sauraient choisir de ne plus fréquenter l’un ou l’autre de leur ami au risque de blesser l’autre au cœur et de heurter sa susceptibilité. Le film s’achève sur une sorte de happy end inattendu auquel le spectateur ne croit pas, et ouvre sur de nombreux questionnements qui font que ce film reste longtemps en mémoire.
Scénariste sur Week-ends, Sophie Fillières a signé la réalisation d’Arrête ou je continue qui met en scène Emmanuelle Devos et Mathieu Amalric dans un duo/duel de choc. Il s’appelle Pierre et elle s’appelle Pomme. Le film s’ouvre d’emblée sur une querelle du couple et va, en quelques dialogues bien incisifs, pointer du doigt les reproches que se renvoient chacun des partenaires, avec une lucidité sur la difficulté de communiquer et sur l’art de la chicanerie (beaucoup du côté féminin) et de la mauvaise foi (côté masculin). Le film joue sur un humour décalé original, par contraste avec la gravité du sujet. Si dans les films précédemment cités, la décision de la séparation est prise assez tôt, dans le film de Sophie Fillières, elle en est l’aboutissement, après une retraite de Pomme de quelques jours dans la forêt, comme en un rite de passage, une initiation. D’ailleurs, elle va rencontrer son animal totem qu’elle sauvera et c’est elle qu’elle sauve de cette vie qui ne la satisfait plus. Comment pourrait-elle rester avec cet homme qui ne s’étonne plus de rien, pas même de ce sauvetage dont elle est l’héroïne ?
Dans Un week-end à Paris de Roger Michell, en revanche, rien ne se passe comme prévu pour Meg qui a également envie de mettre un coup de pied dans la fourmilière et de quitter Nick, son mari, qu’elle ne désire plus, et avec lequel elle est partie en week-end pour leur anniversaire de mariage, comme s’il s’était agi d’une fête de rupture. Dès leur arrivée, elle est en rébellion, ne voulant pas rester dans cet hôtel minable qu’il a réservé, alors qu’ils y ont séjourné dans une autre vie, lorsqu’ils étaient jeunes. Ras-le-bol de la nostalgie et du côté radin de son mari ! Elle va craquer sa carte bleue et les mettre hors la loi en faisant un resto basket… mais qu’importe ! À l’approche de la soixantaine, cette femme a envie d’apprendre l’italien, danser le Tango et se mettre en pré-retraite, et vivre enfin sans les enfants, dès-lors qu’ils sont adultes. Son mari, brillant professeur de philosophie, l’ennuie par l’amour trop envahissant qu’il lui témoigne et par son côté frileux devant la vie. Pourtant, quoi qu’elle en dise, elle l’aime toujours et elle en prendra conscience de façon tout à fait inopinée avec la rencontre de Morgan, un ancien camarade (Jeff Goldblum absolument irrésistible) qui ne tarit pas d’éloges sur Nick lors d’une soirée dans son appartement parisien où sont conviés d’éminents intellectuels. En réponse, Nick (peut-être avec l’aide d’un joint fumé avec le fils de Morgan) va se mettre à nu, dévoiler sa fragilité, ses faiblesses devant tout le monde. Il fait craquer sa femme qui, en deux mots, va le rassurer à son tour sur son amour pour lui. Le rite de passage vers un autre mode de fonctionnement du couple ne se fait pas en solitaire, dans une forêt, comme chez Sophie Fillières, mais à deux, dans l’espace urbain parisien, sur les traces de Godard et de sa Bande à part. C’est pétillant comme du champagne sans être jamais complaisant. C’est un film tout à fait réjouissant, servi par Lindsay Duncan et Jim Broadbent, deux comédiens qui nous offrent un numéro de haute voltige.
À Paris, dans le milieu des trentenaires célibataires, c’est nettement moins pétillant et charmant, et surtout d’une vacuité à pleurer ! Le film est réussi. D’emblée, le générique des Gazelles donne le ton, pêchu, original et résolument dans l’air du temps. La suite ne déçoit pas par son style et par une manière intéressante de traiter la subjectivité du personnage principal de Marie, par des flashbacks et flashforwards qui donnent accès à ce qu’elle pense. Le procédé est récurrent sans n’être jamais lourd. Dès le début du film, elle décide de ne plus continuer à vivre avec Eric qu’elle connaît depuis le lycée. 14 ans de vie commune s’arrêtent là, dans le cabinet d’un notaire, lorsque Marie et Eric doivent engager un prêt pour acquérir un appartement. Vaut-il mieux un confort plan-plan sans passion, ou vivre les difficultés d’être célibataire, en espérant une vie plus palpitante ? La réalisatrice Mona Achache, en collaboration avec Camille Chamoux qui interprète elle-même le personnage clef de Marie, ont constitué un casting de choix pour former la bande de filles auprès desquelles, désormais, Marie trouve une famille et des amies qui sont célibataires comme elle. Le film propose une variation sur le thème du célibat à 30 ans, et sur la rencontre amoureuse dans une société où les relations hommes-femmes sont soumises aux mêmes lois et fluctuations que celles du marché de l’emploi. Sexe et consumérisme sont animés désormais par la même logique. Société clanique avec les groupes de filles d’un côté et la bande de mecs de l’autre, il semble qu’il soit devenu très difficile de trouver un terrain d’entente et surtout de discussion – d’ailleurs, le mot d’ordre des filles qui veulent draguer un garçon « surtout ne pas discuter ! » Mais Mona Achache et Camille Chamoux ne jugent pas et les garçons ne sont pas mieux traités que les filles. On s’amusera du numéro de Samuel Benchetrit, impayable macho infantile, caché derrière une grosse barbe d’homme préhistorique. C’est tendance ! Tout en étant une comédie enlevée, Les Gazelles pointent du doigt un nouveau mode de fonctionnement hommes-femmes, assez tragique, basé sur l’égoïsme et l’égocentrisme. C’est un film sur une génération, réalisé par des filles décomplexées qui n’ont pas froid aux yeux. Camille Chamoux, après ses stand-ups, affirme ici un vrai talent de scénariste et de dialoguiste.