Critiques de films

Shahada
© Memento Films Distribution
Shahada
Un film de Burhan Qurbani

Tout musulman connaît la Shahada qui signe la profession de foi islamique : « Il n’y a dieu qu’Allah et Mohammed est son prophète ». Premier long métrage de Burhan Qurbani, un jeune réalisateur allemand dont les parents ont fui l’Afghanistan, en 1979, Shahada est un film nécessaire par ces temps tourmentés que vit l’Islam en proie à ses fous de dieu et aux amalgames.

Car l’Islam modéré prône l’amour et la tolérance. Allah est pardon et non un dieu omniscient qui punit. Tel est le débat qui agite ce film construit autour de trois personnages qui souffrent d’un sentiment de culpabilité. Ismaïl a tué un enfant dans l’exercice de ses fonctions de policier. Sammy est attiré par son collègue Daniel. Maryam a connu une relation sexuelle hors mariage. Elle est enceinte et avorte illégalement, en prenant des médicaments. Maryam est la fille de l’Imam de ce quartier de Berlin où cohabite une population plurielle. Chacun vit comme il le peut son intégration dans la société occidentale tandis qu’il est difficile d’oublier le regard des autres et celui du groupe social en particulier. L’homosexualité est encore tabou ; une « épreuve » envoyée par Allah, vécue avec beaucoup de souffrance par les musulmans gays. L’avortement également. Aussi, lorsque Maryam ne cesse de saigner, elle va sombrer dans un état psychotique, voyant des signes de Dieu en toutes choses et auxquels les versets du Coran font écho. Une averse de grêle est vécue comme une lapidation venue du ciel. Des problèmes d’électricité font clignoter des ampoules au plafond et elles sont pour Myriam l’illustration manifeste d’une partie des étoiles qui va s’éteindre.

Pourtant, le père de Maryam qui prêche la bonne parole est un homme ouvert, prêt à aider sa fille. Précisément, elle va lui reprocher de lui avoir laissé trop de liberté car cela l’a conduite à commettre le plus grave des pêchés. Quant à lui, s’il chérit la liberté au nom du Coran c’est parce que le Coran ne détermine pas qui nous sommes ; il est un guide de vie. Aux réunions de femmes auxquelles Maryam se rend, elle rencontre des femmes qui ont un regard distancé sur leur condition, manient l’humour et se montrent plutôt coquines sous leur voile. Comment vivre dans l’apaisement sa religion musulmane et être en phase avec la société occidentale ? Telle est l’une des voies explorées par le film. L’autre voie, radicale, a ses limites. Maryam s’enfonce obscurément dans cette voie extrême, au risque de perdre la vie.

Avec Fatih Akin, l’auteur de Head-On et de Soul Kitchen et, désormais, avec ce jeune réalisateur, le cinéma allemand gagne un souffle nouveau qui nous réjouit. Comme le dit Burhan Qurbani : « Si j’ai vécu en Allemagne, je reste très Afghan. Il y a dans notre culture, un enthousiasme et surtout l’habitude d’exprimer des émotions exaltées. Dans un pan du cinéma allemand les sentiments sont souvent mis en veilleuse. » C’est sans doute la raison pour laquelle Shahada, servi par des comédiens remarquables, issus, pour la plupart, du théâtre, ménage, avec ses personnages si profondément humains aux prises avec leur démon intérieur, de beaux moments d’émotion.

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