Critiques de livres

Le livre L’autre Joseph
L’autre Joseph
Un roman de Kéthévane Davrichewy (édition Sabine Wespieser)

Son premier roman, La Mer Noire (2010), évoquait déjà ses origines géorgiennes, à travers le personnage de son arrière-grand-mère. Il s’agissait cependant de l’arrière-grand-père maternel de l’auteur qui s’est plu à brouiller les pistes en le féminisant. Avec L’autre Joseph, Kéthévane Davrichewy parle de son arrière-grand-père paternel que la légende familiale dit avoir été le demi-frère de Staline. Sur les photos, la ressemblance est troublante.

Elle est née à Paris au sein d’une famille qui lui a transmis la culture géorgienne nourrie de l’Histoire et des contes du Caucase et qui a, sans doute, contribué à sa vocation d’écrivain. Le mythe d’une filiation possible avec Staline a été une source d’inspiration pour son nouveau roman. Dans les faits, la mère de Staline a été employée comme couturière dans la famille Davrichewy et elle a eu une aventure avec le père de Joseph, Damiané Davrichachvili, préfet de Gori. Celui-ci s’est toujours montré très attentionné vis-à-vis de l’enfant qu’elle a mis au monde, le petit Sosso (c’est ainsi que Staline est surnommé), le protégeant, lui payant des études etc. Joseph et Sosso ont grandi ensemble et Joseph a souffert de jalousie, ne comprenant pas l’attachement de son père pour ce petit garçon qu’il trouvait frimeur et autoritaire. Jamais ne fut confirmé qu’ils étaient demi-frères. La romancière s’est attachée à cette période de l’enfance et de la jeunesse des deux enfants, marquée par la rivalité qui les oppose, pour s’intéresser à la manière dont ces jeunes hommes, nourris d’idéaux et exaltés par leur engagement politiques, deviennent des hommes et aux hommes très différents qu’ils deviennent. Après avoir combattu côte à côte, le destin les sépare. L’histoire de l’URSS commence à s’écrire, Joseph reste l’ardent défenseur de l’indépendance de la Géorgie et Sosso épouse la cause bolchévique.

Elle n’a pas voulu écrire une saga historique mais une histoire familiale, l’histoire de deux enfants avec les non-dits et le secret qui a généré de la souffrance. En parlant de son ancêtre, de l’ombre qui a pesé sur la vie de Joseph, Kéthévane Davrichewy s’intéresse à la répercussion que ce secret a eue sur son père et sans doute sur elle-même. Entre fiction et réalité, la romancière a puisé matière dans le livre de mémoire publié par Joseph lui-même, intitulé : Ah ! Ce qu’on rigolait bien avec mon copain Staline. Ce fut aussi les rapports de police qu’elle a consultés à partir du moment où il a été fiché comme immigrant à Paris alors qu’il avait changé de nom. Il deviendra un pionnier de l’aviation en 1914, rentrera dans les services spéciaux et côtoiera Marthe Richard au 2e bureau.

L’autre Joseph est ponctué par des textes où l’auteur fait part de ses réflexions à propos de l’enquête qu’elle a menée, et elle apporte un autre éclairage sur le destin de cet homme. Dans ces textes plus personnels, l’intime fait surface à travers une écriture et un style où il semble que Kéthévane Davrichewy lâche prise sur le style resserré et élagué du reste du roman dont la lecture est parfois frustrante pour l’imaginaire, précisément par cette maîtrise. Reste que L’autre Joseph est un roman passionnant sur une période de l’histoire non moins passionnante à travers deux destins singuliers et qui donne envie de découvrir les autres livres de Kéthévane Davrichewy.

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