Critiques de livres

Le livre Celle que vous croyez
Camille Laurens © Gallimard
Celle que vous croyez
un roman de Camille Laurens (éditions Gallimard)

Avec cette nouvelle autofiction, la romancière continue de brouiller les pistes pour qui chercherait la part du vécu. Texte labyrinthique construit comme un roman policier, Celle que vous croyez ménage un suspens et donne envie de le lire d’une traite. De bout en bout passionnant avec un jeu brillant sur des points de vue multiples, ce roman est hautement recommandable.

Le prologue est rageur, texte édifiant sur la condition de la femme de cinquante ans. Si elle est dotée d’un don, c’est celui d’être invisible ! Une femme de cet âge n’a plus le droit d’être désirée si tant est qu’elle inspire le désir. Qu’elle ait un amant est indécent tandis qu’un homme, même très âgé, a le droit d’avoir une maîtresse – de moins de cinquante ans bien entendu – Et c’est tout à son honneur ! L’injustice et l’aberration de la situation sont dénoncées dans ce roman qui puise son ancrage dans le merveilleux outil qu’est Facebook pour les amateurs d’imposture. Lieu de tous les fantasmes, Internet est pour la narratrice l’enjeu de la manipulation à laquelle se livrer pour pister Jo, son amant qui l’a éconduite. Pour ce faire, de manière détournée, elle s’adresse à Chris, son meilleur ami. Sous un faux nom et postant la photo d’une superbe jeune femme, elle met en scène le subterfuge auquel succombe Chris, sous le charme, mais… elle se laisse prendre à son propre piège et tombe follement amoureuse de cet homme bien plus jeune qu’elle. Dans un asile psychiatrique où elle est internée, elle se confie à son médecin.

Construit en une mise en abyme vertigineuse, Celle que cous croyez explore le champ des possibles à partir de cette situation originelle, racontée tout d’abord par Claire à son psychiatre, puis par Claire dans un pseudo roman écrit dans le cadre d’un atelier d’écriture animé par une romancière… Camille, puis par cette même Camille Millecam, dans une lettre adressée à son éditeur. Ainsi opère un jeu sur la construction, sur la langue, sur les indices disséminés et sur une fin réjouissante qui éclaire rétrospectivement les différents récits. Tout le talent de Camille Laurens est d’avoir transcendé une histoire personnelle et intime pour offrir en creux un portrait des relations qui s’établissent aujourd’hui entre les hommes et les femmes. Mais il semble que, désormais, un clivage existe entre les sexes de manière assez inquiétante. Précisément, l’HH est ce nouvel homme narcissique et hystérique qui ne peut avoir qu’une seule relation sexuelle avec une femme, très tôt lassé. Camille Laurens décrit avec acuité les nouveaux rapports amoureux… à méditer.

Il est question que ce roman soit adapté au cinéma. Hormis feu Alain Resnais, le réalisateur de Smoking, No Smoking, difficile d’imaginer qui pourrait s’approprier ce texte. Au théâtre, certainement, ces monologues trouveraient leurs voix mais il est des romans qui s’épanouissent pleinement dans le seul rapport qu’ils entretiennent avec leurs lecteurs qui les font leur, qui entrent en connivence secrète et complice avec l’auteur. Celle que vous croyez est de ceux-là, jubilatoire.

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