Critiques de films

Image du film La Terre outragée
© Le Pacte
La Terre outragée
Un film de Michale Boganim

Venue du documentaire, avec Odessa… Odessa (2005) et Mémoires incertaines (2002) Michale Boganim campe ici son film sur les vestiges de Pripiat, à quelques kilomètres de Tchernobyl. La Terre outragée est un film poético-fantastique qui emprunte des références à Tarkovski ; on pensera au Sacrifice et à Stalker. La réalisatrice a longtemps enquêté auprès des anciens « habitants » de la zone, ces hommes et ces femmes exilés de leur terre. Le film repose sur le personnage d’Anya. Entre détermination et fragilité, elle est magnifiquement incarnée par la comédienne ukrainienne Olga Kurylenko, James Bond girl de Quantum of Solace.

Construit sur les temps mêlés du passé et du présent, grâce à la voix off qui crée un contrepoint distancé, le film s’ouvre sur un paysage printanier et sur un arbre immense à la corolle déployée. « Lorsque je l’ai planté, il avait ma taille et aujourd’hui c’est un bel et grand arbre » dit Valery, l’homme qui fut l’enfant que l’on voit sur l’écran, jouer près d’un arbrisseau, avec son père. Une autre voix, féminine, raconte la douceur de vivre à Pripiat en ce 26 avril 1986. Anya est amoureuse et va se marier.

Ce sont les voix de survivants que l’on entend. Un chien aboie furieusement, une vache est anormalement agitée et le mariage joyeux, après une halte pour la photo de groupe aux pieds de la statue de Lénine et les débuts d’un air d’accordéon qui signe le bal qui va commencer, va être gâché par le départ du jeune marié, appelé à éteindre un feu de forêt. Anya ne le reverra plus. La pluie tombe drue et la végétation se meurt en prenant les couleurs de l’automne sous le ciel gris d’orage. Nous, spectateurs, pour qui la tragédie de Tchernobyl fait partie de notre mémoire, savons pourquoi la nature meurt, le poison que représente cette pluie et la mort annoncée de ces hommes et de ces femmes qui vaquent à leurs occupations et tirent un rideau dérisoire, en tissu, devant leurs fenêtres. Et nous mesurons le temps que les autorités ont mis pour réagir et décider de l’évacuation de la population. Une personne, cependant, sait la vérité ; on lui a passé un coup de fil. Il s’agit du père de Valéry, un ingénieur, équipé d’un appareil de mesure de la radioactivité. Il n’a pas le droit de parler et il ne peut que prévenir les gens de ne pas manger les aliments sur les étals du marché, conseiller à tous de s’abriter de la pluie et acheter un lot de parapluies qu’il distribue autour de lui. Il est pris pour un fou.

Michale Boganim filme l’incompréhension de la population, obligée de partir sans pouvoir rien emporter. Car la catastrophe fut inodore et sans bruit. Il faudra attendre la fin du film pour constater les conséquences physiques de cet accident, dix ans plus tard, sur Anya. La réalisatrice n’a pas voulu tomber dans le travers de tout vouloir montrer et surtout pas les enfants victimes de malformations. Ce n’est pas un documentaire mais une fiction se plaît-elle à rappeler !

Anya est devenue guide pour « Tchernobyl Tour » et elle explique aux visiteurs que 50 000 habitants ont dû quitter leur foyer et ne jamais revenir. À elle cet exil est insupportable. Elle pourrait suivre son amant français à Paris, mais la jeune femme est viscéralement attachée à sa terre, comme l’est ce paysan qui n’est jamais parti et qui étale fièrement sa récolte de pommes devant le groupe de touristes, en les invitant à en manger. Seule Anya va en prendre une et y croquer à pleines dents.

Dans cette zone interdite où une caméra s’est posée pour la première fois, pour ce film, la nature a repris ses droits et les chevaux sont revenus à l’état sauvage. La ville de Pripiat n’est plus que ruines et l’on veut croire Anya qui rappelle qu’elle fut l’un des plus grands centres culturels du pays. Zone de non droit située à la frontière ukraino-biélorusse et qui appartient désormais à tous et à personne, là se réfugient des clandestins qui ont fui leur pays de l’ex bloc soviétique et occupent les maisons abandonnées. … une fillette joue dans les décombres de Pripiat, telle un petit fantôme qui hante les lieux… Un symbole d’espoir ? La nature s’est épanouie, dans toute sa splendeur, mais la radioactivité y est éternelle.

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