Critiques de livres

L’homme qui descend des montagnes
Abdelhak Zerhane (éditions du Seuil)

L’enfant qui raconte sa vie dans L’homme qui descend des montagnes rêve d’un monde meilleur. Ce roman autobiographique est servi par une prose éblouissante qui fait vivre avec truculence, au travers de descriptions pleines de saveur, ce village isolé du Haut-Atlas marocain sous le protectorat. La famille de l’enfant vit dans une misère extrême. Le regard, pourtant, que porte Serhane sur son enfance est plein de tendresse, notamment pour sa mère. Le souvenir d’un voyage en autobus, caché sous ses jupes, pour ne pas avoir à payer une place, la tête entre ses jambes, est un passage qui vaut son pesant de verve littéraire. La situation autorise des digressions dans le récit car l’enfant veut penser à autre chose pour ne pas se sentir mal. Grâce au romanesque, avec esprit et talent, l’auteur joue sur l’ambiguïté entre vrai souvenir et affabulation. On imagine la jubilation que dut ressentir l’auteur de L’Amour circoncis à la rédaction de ce texte. Le roman s’achève précisément sur une déclaration d’amour du fils à sa mère tandis que le père est une figure haïe de bout en bout. Il est l’incarnation de la bêtise et du machiste pour qui faire l’amour à sa femme est proche d’un viol. La mère en a assez de mettre au monde huit enfants, coup sur coup, qu’il est si difficile de nourrir et de voir son corps s’abîmer un peu plus à chaque grossesse. Elle demande conseil aux bonnes sœurs françaises… autre passage désopilant sur les préservatifs. Roman plein d’humour, ponctué de situations cocasses, L’homme qui descend des montagnes fait aussi le portrait d’une société où les femmes sont soumises, subissant la violence des hommes, où la misère matérielle et morale et grande et où règne la corruption et l’hypocrisie. Abdelhak Serhane renvoie dos à dos le pouvoir politique et le pouvoir religieux avec leurs interdits en s’interrogeant sur le devenir de son pays. Un portrait au vitriol, drôle et souvent grinçant du Maroc des années 50. Un très beau texte à la hauteur de cet écrivain majeur de la littérature maghrébine d’expression française qui gagnerait à être plus connu dans notre pays où ce sont toujours des mêmes dont parlent les médias.

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