Retour au Groenland où Sébastien Betbeder avait tourné le long métrage Le voyage au Groenland (2016), après deux courts métrages filmés dans ce même pays. Blanche Gardin, Philippe Katerine et Bastien Bouillon sont de la partie, dans ce film au ton singulier mêlé de fantaisie et de gravité.
Elle a quitté son Jura natal pour explorer les pôles. Devenue une personnalité célèbre, Coline Morel revient dans son village, chez son frère Basile, et retrouve son premier amoureux. Les retrouvailles sont fraîches et l’amoureux devenu instituteur, semble plutôt terrorisé en la revoyant, peur qui sera légitime quand Coline racontera ses expériences aux enfants de la classe de maternelle, d’abord médusés puis sous le choc, pris de sanglots irrépressibles quand elle évoquera sa rencontre avec un ours. Blanche Gardin est irrésistible, brute de pomme, sans filtre, composant avec ses deux frères restés dans le Jura un trio digne des grandes comédies. Excellente idée de casting que d’avoir créé cette fratrie de comédiens si doués dans leur registre propre, aussi doués dans le burlesque que dans l’expression de la profondeur des sentiments. Une séquence sur des télésièges, suspendus et à l’arrêt, une autre où ils sont en équilibre sur une paroi rocheuse et règlent leur compte, sont drôles et empreintes d’émotion. Cependant, Coline va disparaître. Une semaine plus tard, les recherches restent vaines. C’est au Groenland que le film se poursuit et prend un tour inattendu. Malade, Coline passe deux ans au sein de la communauté inuit et apprend d’eux une autre conception de la vie et de la mort. Basile et Lolo, le petit frère, vont finir par la rejoindre.
Pour son rôle, pour ce magnifique personnage en quête d’absolu, Blanche Gardin a fait appel à une coach de jeu. Se mettre dans la peau de Coline nécessitait un travail en amont. « Ce film m’a modifiée » dit-elle en interview, précisément au contact des Inuits. Philippe Katerine et Bastien Bouillon également, ont vécu intensément l’expérience groenlandaise. L’incroyable femme des neiges est un film hautement recommandable qui allie de purs moments de comédie avec le drame, avec des dialogues et des scènes désopilantes comme ces deux Inuits qui parlent du réchauffement climatique ou du médecin de Coline qui chante Aux Champs Élysées de Joe Dassin. Précisément, le film trouve un juste équilibre et joue sur le respect des croyances des Inuits, leur culture, le chamanisme, sous couvert de la fantaisie et de la légèreté des personnages. Au-delà de la comédie, il y a un côté Western dans ce film où le monde court à sa perte. Le Jura se désertifie, les stations de ski ferment à cause du réchauffement climatique. L’Arctique est menacé. « Ce paysage malade peut être également vu, par extension, comme une métaphore de la situation de Coline. » Sébastien Betbeder savait la responsabilité qui leur incombait : « Que ce soit dans le Jura ou au Groenland, il s’agissait de donner à voir un monde qui se meurt, sans pathos, mais avec lucidité. » Tous sont revenus du tournage durablement marqués et nous même, après le film, sommes désormais sensibles à ce que « l’invisible fasse partie du paysage et que la mort y soit inscrite ».