Critiques de films

Image du film TITRE_DU_FILM
© Capricci Films – photo de Frédéric Dorkel
Mange tes morts -Tu ne diras point
Un film de Jean-Charles Hue

Il faut dire très vite le titre et surtout le début qui est l’insulte la plus grave qu’un yéniche puisse proférer, renvoyant son interlocuteur à renier ses ancêtres. Pour parer la superstition et ne pas attirer le malheur, pour ne pas blesser la communauté des yéniches avec lesquels il a tourné son film, Jean-Charles Hue a choisi de rajouter la seconde partie du titre ouvrant alors sur une dimension biblique qui n’est pas étrangère à son film très atypique qui lorgne du côté du western.

En Alsace, on les appelle les Yenchs, ces gens du voyage désormais sédentarisés pour la plupart et qui habitent, pour beaucoup, à Bischwiller et au Neuhof. Vanniers, rémouleurs, ferrailleurs, ils viennent d’Europe Centrale et d’Allemagne et ils sont souvent blonds aux yeux bleus. Contrairement aux Roms et Tziganes auxquels ils refusent d’être assimilés, ils ne sont pas musiciens. Ceux du film sont du nord de la France. Jean-Charles Hue s’est pris de passion pour cette communauté avec laquelle il s’est trouvé un lien de parenté. Depuis 2006, il tourne des documentaires qui attisent toujours plus fort son intérêt pour les Yéniches jusqu’à proposer à la famille Dorkel de faire les acteurs dans des films de fiction, dans La BM du Seigneur en 2010, et dans ce dernier film dont on ne doit pas prononcer le titre, pour lequel il a obtenu le Prix Jean Vigo.

Film pour le moins original qui en décontenancera plus d’un par les dialogues authentiques – tant et si bien que le film est sous-titré – que par ce qui se joue à l’écran entre les personnages, avec une âpreté et une violence qui doivent beaucoup à la manière de filmer au plus près des corps, comme dans l’urgence. Ce film interroge sur la réalité et la fiction, sur la dimension documentaire et sur le romanesque. En fait, Jean-Charles Hue a vécu ce qu’il raconte dans son film, en l’occurrence, une équipée « sauvage » pour chouraver (voler) un camion transportant une cargaison de cuivre. Il en a fait une histoire sur le rituel initiatique d’un jeune vers le monde des adultes. Jason Dorkel a 18 ans et s’apprête à fêter son baptême chrétien comme il est de coutume dans la communauté des Yéniches. Or, son demi-frère, Fred, sort de prison où il a passé quinze ans, suite à un meurtre dont il est coupable. Le temps d’une nuit, Jason va être confronté à la violence, il va croiser des schmidts (flics) et devoir s’opposer à son demi-frère adulé. Le lendemain a lieu le baptême. Il fera son choix. Ainsi est posée la problématique du bien et du mal, du paradis et de l’enfer : « Au petit matin, avoir la sensation d’être revenu du combat encore en vie, c’est le retour du guerrier qui est parvenu à offrir un sursis à la communauté. Les croyances ont été éprouvées et préservées. C’est un combat qui n’est ni égoïste, ni privé de morale, qui se livre “dans le monde”, aux limites de leur territoire, là où avant on disait que vivaient les dragons. » Il y a un côté road movie et western, revendiqué par Jean-Charles Hue qui a trouvé avec les Dorkel les interprètes parfaits de son film. Ils sont impressionnants de justesse, d’énergie et de présence par leur corps massif, tatoué à l’arrache avec les moyens du bord. D’avoir obtenu leur confiance a été précieux. Gageons qu’ils continueront à se prendre au jeu de la comédie car une série TV est prévue avec eux.

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