Critiques de films

Image du film Henri
Photo Miss Ming, Pippo Delbono © Arnaud Borrel
Henri
Un film de Yolande Moreau

Inoubliable interprète dans Les Deschiens qui l’a fit connaître du grand public, Yolande Moreau a débuté dans des spectacles pour enfants et des one-woman-shows (Sale Affaire en 1981) avant d’être repérée par Agnès Varda (Sans toit ni loi, en 1985). À partir des années 1990, elle multiplie les rôles et obtient un César pour son incarnation de Séraphine dans le film éponyme de Martin Provost, en 2011. Passée derrière la caméra, Quand la mer monte, sa première réalisation, lui vaut le prix du meilleur premier film, en 2005, le Prix Louis Delluc et le prix d’interprétation. Henri est son deuxième long métrage.

Yolande Moreau y interroge de nouveau la question de la différence, celle des êtres en marge. Dans le rôle d’Henri, Pippo Delbono fut un choix judicieux de la réalisatrice ; ce comédien de théâtre italien contemporain s’impose à la fois par sa carrure massive et par son regard de rêveur. Par contraste, sa femme est vive et légère. Lio prête sa silhouette et son énergie à ce personnage de Rita. Elle et Henri ont une cinquantaine d’années, et tiennent un petit restaurant près de Charleroi, « La Cantina ». Mais, subitement, Rita meurt et pour Henri, le monde s’écroule. Restent sa passion des pigeons voyageurs et Rosette qui fait irruption dans sa vie. Rosette est une jeune femme qui vit dans un foyer de personnes handicapées mentales, « Les Papillons Blancs ». Elle vient aider Henri au restaurant. Comme le dit Yolande Moreau : « Elle a une légère déficience mentale et rêve d’amour, de sexualité. J’ai eu envie qu’elle ne soit pas passive, qu’elle prenne les devants. Je voulais montrer qu’elle n’est pas une victime. Elle agit sur son destin. Henri et Rosette ont en commun de ne pas avoir les clés… Les clés pour se comporter socialement… »

Dans le rôle de Rosette, Candy Ming fait merveille, elle qui avait déjà composé un personnage lunaire et fantasque chez Gustave Kervern et Benoît Delépine, dans Louise Michel et Mammuth. Elle est touchante dans sa manière de vouloir faire partie de la normalité alors que le monde réel l’effraye tant… Psychiquement, Rosette est si fragile qu’elle est terrifiée par une bourrasque de vent qui s’engouffre par la fenêtre de la chambre d’hôtel où ils dorment, elle et Henri, le temps d’une fugue au bord de la mer. Temps mis entre parenthèse, loin des regards et des critiques de la société bien pensante, temps poétique qui exprime leur bonheur à tous deux d’être à la fois hors le monde et présent au simple bonheur de se coucher sur le sable et de patauger dans les flaques laissées par la mer, de laisser voguer loin un bateau en papier sur lequel est inscrit le numéro de téléphone du foyer des « Papillons blancs ». Mais c’est parce que Rosette voudrait que ce temps de liberté dure éternellement et Henri goûte aussi cette légèreté de vivre qui lui donne des ailes, lui qui aimerait tant savoir voler comme ses chers pigeons voyageurs. Traversé par des moments de grâce comme cette séquence au bord de la mer, un envol de millions de pigeons, une scène joyeuse dans une fête foraine où Rosette et Henri se regardent dans des miroirs déformants avant de se retrouver à danser, euphoriques, font de Henri un film tendre et émouvant qui soulève avec pertinence la question de la communication possible au-delà des différences, et de l’amour tout simplement.

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