Critiques de films

Image du film Quelques heures de printemps
© Diaphana Distribution
Quelques heures de printemps
un film de Stéphane Brizé

Réalisateur sensible auquel on doit Je ne suis pas là pour être aimé (2005) ou bien Mademoiselle Chambon (2012), Stéphane Brizé traite, dans son dernier film, de la question de la dignité dans la mort, face à la maladie… un sujet ô combien difficile ! Assurément, ce film qui a d’ores et déjà été présenté à l’Elysée, participera du débat sur le choix de chacun, en situation de souffrance, de sa fin de vie.

Deux comédiens tiennent à bout de bras le film, Vincent Lindon, un habitué de l’univers de Stéphane Brizé, et Hélène Vincent qui, assurément, sera enfin connue du grand public grâce à ce film, autrement que par sa prestation dans La vie est un long fleuve tranquille. On oublie qu’elle a une longue carrière au théâtre. Ils sont impressionnants dans le rôle du fils et de la mère, engagés dans un rapport de force où se mêlent colère et rancœur sur le mode du non-dit. Car la communication est impossible entre ces deux-là et les dix-huit mois de prison que vient d’écoper Alain (Vincent Lindon) ont envenimé leur relation, d’autant plus qu’entre temps, Yvette (Hélène Vincent) a appris qu’elle avait un mélanome avec des métastases au cerveau. Sorti de prison, au chômage, Alain n’a que le choix de retourner vivre chez sa mère.

Stéphane Brizé sait filmer les temps morts, les silences, les gestes du quotidien et tous ces petits riens qui font que nous sommes rendus à nous-mêmes et ne pouvons rester à distance du drame qui se noue. Le choix du plan-séquence rend sensible ce temps qui passe que les comédiens habitent. Car il y a urgence à profiter de chaque instant, aussi douloureux soit-il… Et le temps qui passe se mesure aussi au puzzle que fait Yvette. Le talent du réalisateur est d’évoquer, à travers ces moments présents, la relation passée entre la mère et son fils, faite d’agacements et d’un manque de dialogue qui a forcément miné leurs rapports. Il lui reproche sa maniaquerie du ménage et ses critiques et il l’énerve en fumant dans sa chambre et en ne respectant pas la propreté de l’appartement. En fonds, se dessine aussi la vie de femme qu’elle a eue, avec un mari autoritaire. Désormais, elle est condamnée par sa maladie et seule l’amitié d’un voisin (extraordinaire Olivier Perrier) lui redonne le sourire et un semblant de vie sociale, ainsi que son chien. L’animal crée un lien entre la mère et le fils ; un chien pour qui chacun exprime ouvertement son affection au risque de rendre jaloux l’autre. Grâce à ce chien, le dialogue va se renouer et Alain va accompagner sa mère dans la seule décision personnelle qu’elle ait prise dans sa vie, celle de se suicider en Suisse grâce à l’aide d’une association spécialisée car l’euthanasie est toujours interdite là-bas, comme en France.

L’intelligence du film est de ne pas prendre parti et la question des soins palliatifs est posée lorsqu’un médecin explique à Yvette ce qu’il en est. Cependant, celle-ci est déterminée à aller au bout de sa démarche, tant qu’elle en est encore consciente, tant que la maladie n’a pas encore altéré ses capacités à raisonner. Sa décision est prise et, accompagnée par son fils, elle ira jusqu’au bout. Et l’émotion est palpable dans les derniers plans du film. Les mots suspendus que l’on attendait d’entendre sont enfin prononcés… Jamais dans le pathos, tout en retenue, le film ne nous prend pas en otage d’une sensiblerie que pourrait appeler un tel sujet. C’est tout le talent de Stéphane Brizé et de ses deux immenses acteurs.

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